Une évidence. Qui l’avait éblouie au saut du lit. Une certitude qui couvait depuis, depuis… elle ne savait pas depuis quand, depuis où, ni pourquoi ici maintenant. Soudain si patente. Il fallait impérativement qu’elle la consigne avant que les idées ne se troublent, ne se gomment, que braises et voiles ne se confondent. Il serait son notaire, sa raison. Assieds-toi, ne dis rien. Elle savait désormais que seule la beauté importait. La beauté. Son pari, son ressort. Se suspendre dans l’absolue présence, être heureuse peut-être. Surtout ne rien expliquer, ne rien justifier. Etre émue, simplement, loin des mots ravageurs, des règles assassines. Se suffire, le souffle d’un moment, immobile, comme un éclat d’éternité, dans ses tempes, ses poumons, son ventre. Tu comprends ? Il hochait légèrement la tête. Ce n’était pas clair, bien sûr, elle le savait, en convenait. Forcément. Un acte de foi, en somme. Sa religion. Elle s’était imaginée que quelques mots naissants parviendraient à donner corps à une intuition débridée, terriblement fuyante. Du reste, elle y croyait encore, avec force. Un peu de déraison, beaucoup d’obstination. Une totale liberté surtout. Pas de comptes à rendre. S’effacer et s’offrir au mystère. Tu notes, toi le passeur d’ombres, le passeur d’âmes ? Comme un miroir sans fond, chimie de vide et de lumière. Elle prendrait le temps de chaque instant, sans préjugé, sans devoir, sans convenance, s’en rapprocherait peut-être. Sûrement. Egoïste ? Assurément. La beauté pour toute fin, toute mesure, pleinement, comme une grâce prégnante, merveilleuse. Elle le reconnaissait enfin, s’en pénétrait absolument. L’esthétique serait son éthique, sans faille, sans relâche. Elle lui en savait gré, vraiment.